Dr A. LE JAN
L’efficacité des abeilles pour le nettoyage des hausses est précieuse : le léchage du miel résiduel évite le problème de la fermentation des cadres de hausse et ce faisant, les oeufs et petites larves de fausse teigne sont aussi éliminés avant le stockage hivernal.
Problème si les hausses à lécher sont installées en plein air, un pillage massif se développe rapidement (photo 1).
Photo 1 : Nuée d’abeilles pillardes en plein air.
Or le pillage, avec la dérive, est le principal mode naturel de transmission des maladies apicoles entre colonies :
Dans le cas des hausses mises à lécher en plein air, les butineuses de tous les ruchers du secteur s’infestent par contact, puis ramènent à leurs ruches le miel ingéré pour le stocker en réserve. Les contaminants du miel se redispersent alors au sein de la colonie d’origine que ce soit par le contact, ou par la trophallaxie au fur et à mesure de sa consommation (photo 2). Les signes de maladies peuvent ainsi n’apparaître qu’au printemps suivant alors que le pillage date de la saison apicole précédente.
Photo 2 : Trophallaxie
Pour rappel, le rayon habituel de butinage s’étend en moyenne de 1,5 à 5 km (voire jusqu’à 10 km en période de disette) et le miel est beaucoup plus attractif que le nectar pour les abeilles.
Quels sont les risques de contamination des colonies lors de pillage ?
* Transmission d’agents pathogènes par le contact :
Transmission de Varroas entre abeilles : infestation des butineuses saines et surinfestation des contaminées -> Augmentation des taux d’infestation de toutes les colonies (figure 1). D’où l’importance du comptage des varroas et du traitement acaricide longue durée dès la récolte faite.
Figure 1 : Effet d’une réinfestation sur l’évolution annuelle du taux d’infestation en varroas selon leur nombre en sortie d’hiver. Seuil économique critique de 2000 varroas (SNGTV).
Et avec les varroas, les nombreux virus dont ils sont les vecteurs (DWV, ABPV, SBV, BQCV…). Contact des pillardes avec les bactéries et spores présentes sur les rayons et les abeilles (agents de la
loque américaine et européenne, nosémose, scosphérose).
Contact possible avec des espèces invasives présentes sur les rayons (Aethina tumida) et sur les abeilles (Tropilaelaps sp.).
* Transmission par ingestion d’un miel possiblement contaminé :
Ingestion de bactéries pathogènes : Nosema sp., Ascosphéra apis, Paenibacillus larvae (loque américaine) et Melissococcus plutonius (loque européenne) qui résiste plus d’un an dans le miel.
Ingestion de spores, trés résistantes :
Spores de Paenibacillus larvae (résistance dans le miel > 1 an), Nosema sp. (4 mois), Ascosphéra apis (4 ans).
Mais aussi spores botuliques (contamination du miel par la bactérie Clostridium botulinum lorsque hausses, cadres, lève-cadres ont été posés au sol, ou si la ruche n’est pas suffisament surélevée).
Point très important : la pose d’une grille à reine entre le corps et la hausse en début de miellée prévient l’élevage de couvain et le développement de ses maladies et leurs germes au sein des cadres à récolter (loque américaine et européenne, ascosphérose).
Ingestion de résidus de pesticides (médicaments vétérinaires, produits phytosanitaires).
D’où les précautions à prendre par l’apiculteur pour un léchage des hausses…sans pillage :
Jamais de hausse à l’air libre ! Pendant la récolte au rucher, seule solution pour enrayer un pillage important : recouvrir les hausses d’un linge mouillé (photo 3).
Photo 3 : Protection contre le pillage pendant la récolte.
Pour les petits ruchers, il est aisé de replacer les hausses sur leur corps d’origine à l’issue de l’extraction et ce pour 24 à 48 H au-dessus d’un plateau chasse-abeille (figure 316). Le stockage des hausses se fera ensuite en cheminées, aérées et protégées des rongeurs, de préférence.
L’exploitation apicole importante placera les hausses en chambre froide après l’extraction (photo 4).
Photo 4 : Chambre froide hermétique
En conclusion :
Si les hausses sont laissées à l’air libre, les risques sanitaires sont majeurs pour toutes les colonies d’un territoire, particulièrement dans les zones à forte densité de ruchers. Des précautions sont à prendre pour que le léchage des hausses garde son intérêt hygiénique et ne soit pas une invitation au pillage de grande ampleur, principal mode de transmission des maladies apicoles entre colonie.
Dr A. LE JAN